Les plantes amazoniennes au service de la santé
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Sterling Bennett
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Nous sommes en mai 2021 et je marche sous les branches imposantes de la forêt amazonienne ancienne. Je me trouve dans la partie occidentale de l’Amazonie péruvienne, dans un coin superbe de la forêt que Junglekeepers protège avec le soutien d’Age of Union. Je marche aux côtés de Juan Julio Durand, alias JJ, un naturaliste autochtone écologiste qui s’efforce de protéger la rivière Las Piedras depuis plus de vingt-cinq ans.
C’est une journée excitante, car dans l’urgence de protéger cette forêt, nous entendons le plus souvent parler des animaux menacés par la déforestation, mais les plantes et la culture ont toujours été mes passions et aujourd’hui nous nous concentrons sur ces deux aspects. L’ethnobotanique est l’étude des interrelations entre les connaissances et coutumes des peuples autochtones et les plantes et leurs utilisations à des fins médicinales, spirituelles et de subsistance.
Nous nous trouvons dans une partie de la forêt qui est connue pour sa végétation extrêmement haute, son importante canopée et son sous-bois ouvert. Alors que nous marchons dans la forêt ombragée, des singes sautent et des aras volent au-dessus de nous. Leur activité détache les fruits qui tombent autour de nous et un léger sourire se dessine sur le visage de JJ. Il sait que dans cette forêt, les fruits ne sont que pure ruse de la part des plantes pour encourager les animaux à transporter leurs graines d’un endroit à l’autre. Et souvent, il sait également quels animaux pollinisent quelles plantes, à quelle période de l’année et comment.
Ses yeux cherchent un arbuste particulier dans un océan de vert. Une aiguille dans une botte de foin, vous dites ? Pensez plutôt à une aiguille dans un milliard de millions d’aiguilles ! Mais même parmi autant de verdure, je sais que JJ trouvera ce qu’il cherche. Le fait d’avoir grandi dans la forêt amazonienne lui a inculqué une profonde connaissance des puissants remèdes qui se cachent sous l’écorce de la forêt tropicale.
À mes yeux, la forêt qui nous entoure ressemble à une explosion de vie à la fois étonnante et déconcertante. Les arbres autour de nous sont vieux de plusieurs siècles. Des arbres en bois de fer, des arbres à noix brésiliennes, des acajous, des cèdres et bien d’autres qui n’ont pas de nom français. Entre les gargantuesques bois durs s’élèvent les silhouettes élancées des palmiers. Un assortiment de vignes et de lianes pousse sur tout. Les broméliacées s’accrochent aux arbres et recueillent l’eau dans de petits bassins où les grenouilles et autres créatures trouvent refuge. Le sol de la forêt est fortement ombragé et couvert de vrilles, de calathéas, de taros, de cerimans et l’anthuriums. Les branches de la canopée abritent une toute autre galerie de personnages botaniques : cactus, orchidées et bromélias à feuilles cireuses.
JJ enfonce la lame de sa machette dans l’écorce d’un arbre. Il la renifle, la pose sur sa langue, puis me la passe pour que je fasse de même. L’odeur est très piquante, le goût est âcre et saisissant sur la langue. Ça a un goût de médicament. JJ m’explique que cet arbre est très puissant pour guérir les infections de la peau et peut également être utilisé pour détruire les parasites dans l’intestin. Nous répétons ce même rituel consistant à renifler et lécher diverses écorces au fur et à mesure que nous avançons. JJ m’explique que certaines peuvent soigner les morsures de serpent. D’autres peuvent traiter l’arthrite ou l’impuissance. Il me met en garde contre un arbre qu’il ne faut pas toucher, sinon la sève brûlera chimiquement ma peau et créera des plaies.
Après tout, c’est dans cette même forêt qu’a été découverte la quinine, le premier traitement contre la malaria. Le caoutchouc, issu des arbres de l’Amazonie occidentale, a joué un rôle crucial dans l’histoire, de la révolution industrielle jusqu’à notre époque. C’est également ici que peut être mélangée la liane sacrée Banisteriopsis caapi aux feuilles de l’arbuste Psychotria viridis pour créer l’ayahuasca, sans doute le composé psychédélique naturel le plus puissant, connu pour son utilisation dans les cérémonies chamaniques comme passerelle entre le monde physique et le monde spirituel.
Sur le chemin du retour vers notre maison dans la jungle, JJ précise que les siens font partie de la communauté autochtone d’Infierno. Sa famille fait partie du peuple Ese-Eja et participe à la documentation et la préservation du riche savoir autochtone sur ces composés. Il s’interroge à haute voix sur le nombre de générations nécessaires pour découvrir ces médicaments et réfléchit sur les liens profonds qui existent entre la clé de la compréhension de toute cette complexité naturelle et les habitants de l’Amazonie. Il estime que ce nouveau chapitre plein d’espoir de la préservation de la rivière Las Piedras peut nous aider à comprendre encore plus de choses.
La collaboration entre Junglekeepers et l’alliance Age of Union assure que beaucoup de ces espaces resteront protégés et non exploités ; les arbres anciens continueront à abriter des mondes entiers de flore et de faune. Grâce aux rangers de Junglekeepers qui patrouillent et protègent cette forêt millénaire, les populations autochtones locales auront la possibilité de partager leurs connaissances avec des étudiants et des scientifiques des universités de Lima. Pour JJ, ce n’est que le début d’une initiative qui permettra de protéger et de célébrer la richesse et la diversité du Pérou.
Crédits
Photo 1 « JJ dans la forêt » par Mohsin Kazmi
Photo 2 « Singe-araignée » par Stephane Thomas
Photo 3 « Aras rouges » par Stephane Thomas
Photo 4 and 5 « Forêt vierge » par Mohsin Kazmi
Photo 6 « Aras rouges » par Mohsin Kazmi
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Article écrit par
Sterling Bennett
Sterling Bennett est diplômée de l'université de Radford. Elle travaille avec les populations autochtones ainsi que les plantes et les animaux de la forêt amazonienne péruvienne périodiquement depuis 2019.
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