Une tradition de transformations au Centre Age of Union
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As it prepares to close its doors, we reflect on the impact of Montreal’s Age of Union Centre, tracing its transformation from a glass-making factory to a vibrant space for tech, art, and environmental activism.
Sujets
L’édifice de 12 000 pieds carrés situé au 7049, rue Saint-Urbain dans le quartier Mile-Ex de Tiohtià:ke/Montréal, qui abrite le Centre Age of Union depuis 2021, a été tour à tour une maison, un espace de production, le siège d’une jeune entreprise et un lieu de rassemblement culturel. Alors que le Centre ferme ses portes le 16 mars, les personnes qui ont façonné sa vocation, sa vision et ses murs au cours des dix dernières années profitent de l’occasion pour faire le point sur les nombreuses vies du bâtiment.
Depuis son acquisition par l’entrepreneur technologique et militant écologiste Dax Dasilva en 2011, le bâtiment a servi de bureaux à Lightspeed, la startup technologique de Dax, de galerie et d’espace de production pour son organisation artistique Never Apart et de plaque tournante pour l’alliance environnementale Age of Union qu’il a fondée en 2021. De nombreux innovateurs dans les domaines du cinéma, de la technologie, de l’art, de la culture et de l’action environnementale ont souvent convergé vers le centre, favorisant les conversations entre les secteurs et les communautés culturelles.
Pour Dax Dasilva, le bâtiment n’est rien de moins qu’un vecteur de transformation : « Il a été à l’origine de tous mes grands projets… Le bâtiment a joué un rôle important dans ma vie et mon identité. »
Un quartier en marge de la ville, au cœur de l’action
Au début du siècle, les Québécois francophones et les immigrants européens se sont déplacés jusqu’aux marges de la ville, suivant la ligne de tramway 55 sur le boulevard Saint-Laurent jusqu’à la rue Isabeau, aujourd’hui connue sous le nom de Jean-Talon. Ils étaient attirés par la possibilité d’une autonomie alimentaire, pouvant récolter de la nourriture dans les champs et du bois dans les forêts avoisinantes.
Au fil du XXe siècle, le quartier est passé d’une zone résidentielle clairsemée à une zone à usages multiples, sous l’effet de l’industrialisation du textile, de la métallurgie du verre et d’autres formes de production. En 1968, Leandro et Claudia Boriero ont incorporé leur entreprise familiale de verrerie Vitrerie Saint-Urbain, au 7049, Saint-Urbain, où ils ont fabriqué des fenêtres et des miroirs pour les bâtiments et les entreprises de la région jusqu’en 1995.
Le nom actuel du quartier, Mile-Ex, reflète la nature multiforme et liminale de celui-ci, niché entre le Mile-End au sud et le Parc-Ex au nord. Malgré les tendances exclusionnistes de l’embourgeoisement, le quartier abrite encore un mélange de vieux bâtiments industriels, de petites entreprises, de sociétés technologiques et de résidences. Les artistes y ont également trouvé des lieux d’exploration et de création. Parmi eux, Karen Trask et Paul Litherland ont ouvert leur galerie Produit Rien en 2019 dans une ancienne usine de tofu sur la rue Marconi.
C’est le célèbre cinéaste Pierre Gendron qui, le premier, a transformé le bâtiment du Centre d’une usine en un espace artistique et résidentiel. Selon la légende, les concierges auraient raconté à Sylvain Brochu, aujourd’hui directeur des opérations du Centre Age of Union, qu’un fabricant de tuyaux et de plomberie avait pris la place de la verrerie avant de laisser derrière lui un mélange de contaminants industriels.
Un vaste processus de décontamination a dû être mis en œuvre pour permettre l’utilisation de la propriété à des fins résidentielles. Ensuite, Gendron a transformé la moitié du bâtiment en lieu de production cinématographique et l’autre moitié en espace de vie familiale, le tout agrémenté d’une piscine creusée dans le jardin. La petite salle de cinéma qu’il a construite au cœur de la maison s’est avérée tout aussi populaire auprès des occupants successifs.
Lightspeed au fin fond de Montréal
En 2011, M. Dasilva a racheté le bâtiment à M. Gendron pour y installer sa société Lightspeed. L’entreprise, qui emploie aujourd’hui plus de 3 000 personnes dans le monde, était à l’époque une start-up émergente comptant à peine 50 employés.
En visitant le 7049 St-Urbain, M. Dasilva a immédiatement su que cette propriété serait bien plus qu’un simple espace de bureau. « C’était un espace de rêve , explique-t-il. Nous voulions être un employeur de choix. Sérieusement, quelle entreprise dispose d’une piscine? »
Avant de trouver ce bâtiment, l’entreprise avait déjà occupé trois grands espaces de bureaux successifs et Dax souhaitait un espace capable de soutenir la croissance de l’entreprise. Le bâtiment et Lightspeed ont connu une profonde évolution au cours des quatre années suivantes, les bureaux se multipliant dans un cadre qui constituait un lieu quasi exotique pour les investisseurs en technologie en visite dans le pays.
« Je pense qu’ils avaient l’impression d’avoir trouvé un joyau, un trésor dans les méandres de Montréal… là où probablement peu de gens étaient allés, et encore moins avaient investi », raconte-t-il. Lorsqu’il a invité des investisseurs en capital-risque de Californie à visiter l’entreprise, les sommes qu’ils ont investies par la suite ont engendré une vague de croissance sans précédent.
Avec plus de 150 employés, des postes de travail dans tous les coins et une mosaïque de bureaux loués à proximité, l’entreprise a finalement choisi d’installer ses locaux actuels dans l’ancien bâtiment patrimonial de la gare Viger sur Saint-Antoine, ou, comme tout le monde l’appelle, « le château ».
Never Apart
Michael Venus, ancien directeur général de Never Apart et actuel directeur général d’Age of Union, se souvient avoir passé un mois d’août au bord de la piscine dans le jardin de Lightspeed avec Dax qui lui a fait part de son désir de créer un espace communautaire sûr. Il voulait utiliser le bâtiment pour redonner à la communauté créative après le déménagement de son entreprise.
« Je me souviens avoir entendu dire que Lori Anderson, Peter Gabriel et Brian Eno allaient créer un parc à thème pour les artistes et c’est en quelque sorte ce qui m’est venu à l’esprit », relate Micheal, artiste, cinéaste et membre fondateur du collectif House of Venus. Il estimait que le Canada avait besoin d’un espace offrant des expériences artistiques immersives — et il savait comment le construire.
Michael a pressenti une philosophie commune entre House of Venus et Never Apart. « Nous étions des queerdios très autonomes qui ont créé leur propre scène parce que celle-ci n’existait pas ».
Après quelques mois à planifier et à cogiter sur ce que l’espace pourrait devenir, Dax a lancé l’organisation à but non lucratif Never Apart en 2016 avec Michael et le directeur musical Anthony Galati, en tant que lieu de rassemblement culturel et artistique visant à accueillir la communauté LGBTQ+.
Pour Dax, le centre était un projet spirituel qui l’a aidé à se remettre de l’essor fulgurant de Lightspeed et lui a offert un moyen de soutenir la communauté culturelle montréalaise. Il attribue à la fibre artistique de la ville, à ses musées et à ses festivals tels que Divercité et Black and Blue, le mérite d’avoir inspiré une grande partie de son travail à Lightspeed. Les artistes et les travailleurs culturels de la ville lui ont permis de mieux comprendre l’impact social positif des espaces de rencontre créatifs.
L’équipe de Never Apart a généré un florilège de programmes culturels, notamment des spectacles, des expositions, des ateliers, des conférences, une série web comptant sept saisons, un magazine en ligne, des productions musicales et des fêtes légendaires qui ont attiré des milliers de personnes. La diversité a été profondément ancrée dans le fonctionnement de l’organisation, tant au niveau des personnes que des types de projets qu’elle a entrepris.
Pour Sylvain Brochu, cette mission en faveur de la diversité est à la fois une source de fierté et une entreprise profondément créative. Dans le programme de la saison 2020-2021, il a écrit que la diversité et la créativité sont les points forts de son travail, soulignant que la beauté de son mandat vient de l’étendue des collaborateurs et de la diversité des tâches logistiques à accomplir.
« Pour qu’un projet aboutisse, il faut des gens qui travaillent dans l’ombre », a-t-il écrit.
De l’achat d’une ampoule à l’accueil des artistes, en passant par l’organisation des vernissages.
Pour réussir, il a fallu faire preuve d’inventivité à tous les niveaux, et les résultats ont été retentissants. Les partenariats se sont étendus hors site avec des organisations montréalaises et des événements dans des villes telles que Toronto et Los Angeles. Never Apart a été reconnu comme un tremplin important pour les artistes émergents, soutenant souvent leurs premières expositions ou performances. La nouvelle s’est répandue. Michael rappelle que bien souvent, un vernissage calme à Never Apart, ça reste 800 personnes!
Dans le cadre de chaque exposition, Never Apart invitait les gens à se rassembler en organisant des événements, des discussions et des entretiens, dont beaucoup sont encore en ligne sur le site web de l’organisation. Les rencontres entre des personnes issues de milieux et d’âges différents ont donné à l’équipe un sentiment d’espoir particulier.
« Je suis très attachée à la Legend Series que nous avons organisée , ajoute Michael en référence aux entretiens et aux discussions au cours desquels Never Apart a invité des artistes seniors de la communauté LGBTQ+ à partager leurs expériences avec un public de tous âges. C’était un véritable moment intergénérationnel. »
La programmation de Never Apart a multiplié et élargi les discussions autour de l’identité. Dax se souvient des discussions qui ont accompagné les expositions consacrées aux diasporas noires et aux communautés autochtones bispirituelles et qui ont eu un impact particulier : « Notre idée de la diversité des expériences a explosé à travers l’art des gens. Nous ne nous sommes pas contentés d’exposer. Nous avons fait l’expérience du monde des autres ».
Centre Age of Union
À l’instar de nombreuses organisations culturelles, Never Apart a été frappé de plein fouet par la pandémie, dans la mesure où son impact dépendait de sa capacité à se rassembler. L’équipe a remarqué que la migration forcée vers la communication en ligne dans le monde entier a créé un ton polarisant dans le langage utilisé pour les discussions sociétales sur l’identité.
Alors que Dax et Michael cherchaient à réorienter la conversation de manière positive, l’accent mis sur la nature a commencé à prendre de l’importance. « Vous savez, il n’y a pas d’art et de culture sans planète Terre », explique Michael. L’environnement était déjà un thème central à Never Apart et au cœur des valeurs personnelles des deux hommes.
Publié par Dax en 2019, le livre « Age of Union: Igniting the Changemaker » a servi de manifeste pour l’alliance environnementale et la transition de Never Apart au Age of Union Centre, alors que son organisation Age of Union Alliance a fait don de 40 millions de dollars à dix projets locaux de conservation de l’environnement menés par des acteurs locaux et autochtones du changement dans le monde entier.
La métamorphose du Centre et sa vision communautaire découlent d’une approche familière à Michael. Comme pour Never Apart et House of Venus, elle a permis d’ancrer et de susciter des conversations indispensables en réponse aux besoins culturels actuels.
Les deux premières années du Centre ont été transformatrices, tout comme elles l’avaient été pour Lightspeed. Grâce à des visites et à des expositions, elles ont permis de nouer des relations suivies avec divers artistes et conservateurs autochtones, tels qu’Adrian Stimson, tandis que l’organisation mondiale nouait des liens avec des sommités environnementales telles que Jane Goodall et Leonardo DiCaprio.
Fidèle à sa mission de favoriser les rapprochements entre les communautés locales et les enjeux internationaux, le Centre a accueilli des projets d’artistes montréalais en nouveaux médias, comme Aude Guivarc’h, Kelly Nunes et Melanie O’Bomsawim, et des figures internationales de la protection environnementale, comme le prince Hussain Aga Khan. Des conférences, des ateliers et des visites guidées ont également permis aux visiteurs de prendre une part active aux conversations sur la durabilité, dans l’espoir d’inspirer les gens à s’impliquer dans les transformations socioécologiques de leurs propres communautés.
Dax espère que l’héritage que laisse le bâtiment se répercutera sur des initiatives telles que la prochaine exposition mobile Age of Union. Avec la fermeture du Centre, il conçoit une « dispersion de l’énergie de l’art environnemental » qui atteindra les gens dans différents contextes, des campus aux zones reculées en passant par les centres-villes.
« Ce qu’Age of Union m’a prouvé, c’est la valeur de l’art environnemental ».
Crédits
Clara Lacasse et Ludovic Rolland-Marcotte
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