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La fabuleuse histoire de Chanee, fondateur de Kalaweit pour la sauvegarde de la biodiversité en Indonésie

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Age of Union s’est entretenu avec le fondateur de Kalaweit, Chanee, au sujet de son parcours de la France à l’Indonésie et des raisons pour lesquelles la protection des gibbons est devenue la mission de sa vie.

Auteur

Cédric Varial

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C’est 1991 au Zoo de Fréjus, dans le sud de la France dont il est originaire, que l’aventure extraordinaire de Chanee commence.

« Parmi tous les singes en cage ce jour-là, c’est le gibbon et la tristesse que j’ai vu dans ses yeux qui ont le plus  marqué mon cœur d’enfant », confie Chanee 30 ans plus tard.  

Âgé de 12 ans à l’époque, il demande l’autorisation au directeur du zoo de pouvoir passer les mercredis après-midi quand il n’a pas école, à étudier les Gibbons, ce grand singe presque inconnu du grand public. 

« J’ai passé cinq ans, tous les mercredis, à observer les gibbons, à étudier leurs comportements, à communiquer avec eux. J’ai apporté des suggestions au zoo de Fréjus et même à d’autres zoos pour améliorer leur bien-être. J’ai aussi aidé à former des couples de gibbons entre les différents zoos de France. Tout ça en ressentant au fond de moi que le zoo ne serait qu’une étape dans ma vie avec les gibbons. »  

Enrichi de ces années d’observation, Chanee publie, en 1997 à l’âge de 16 ans, son premier livre, Le gibbon à mains blanches. Acclamé par la presse, ce livre lui offre de se faire connaître du grand  public et d’attirer l’attention de la comédienne française Muriel Robin, qui le contacte directement un jour par téléphone.  

« “Si tu veux partir en Asie pour sauver les gibbons, je vais t’aider et te financer”, m’a dit Muriel. C’était incroyable. Quelques mois plus tard, je partais en Thaïlande, bivouaquer trois mois dans la forêt au milieu des gibbons. Pendant ce voyage initiatique, je comprends que je peux mettre à la poubelle tout ce que j’ai cru apprendre dans les zoos. Ici, dans la forêt, c’est un autre monde, et c’est ici que je dois agir. », ajoute Chanee.  

C’est également au cours de ce premier voyage en Thaïlande que Chanee comprend que, s’il veut sauver les gibbons, c’est en Indonésie, sur l’île de Bornéo, qu’il doit se rendre. En effet, au même moment se déroule un désastre écologique de très grande ampleur : plus de deux millions d’hectares de forêts ont été rasés pour les plantations d’huile de palme.  

Toujours soutenu par Muriel Robin, il se rend à Bornéo un an plus tard, en 1998, et initie le premier programme de sauvegarde des gibbons avec les autorités indonésiennes de Jakarta. Il  faudra un an de négociation pour que le protocole d’accord soit signé et que Chanee puisse recevoir légalement des animaux  dans son premier centre. La Fondation Kalaweit est née en septembre 1999.  

« Quand tu arrives avec des solutions, que tu mets en place des structures qui ne coûtent rien aux autorités locales, que tu t’intéresses à une espèce pour laquelle personne ne fait rien, contrairement aux orang-houtans, par exemple, et que tu pragmatises une action de conservation active, il y a peu de chances qu’on te dise non », explique Chanee.  

L’action sur le terrain, main dans la main avec les communautés Dayak locales, les résultats visibles, concrets ainsi que l’engagement sur le très long terme sont primordial primordiaux chez Kalaweit.

« La plupart des fondations qui se rendent à Bornéo, développent des programmes sur 3 ou 5 ans, puis repartent. Ce n’est pas suffisant et parfois même ça ne sert à rien. Mon histoire d’engagement ici est personnelle. Je suis venu pour protéger et  sauver les gibbons il y a 25 ans. Je suis toujours là. J’étais venu pour rester. »  

En 25 ans, Kalaweit a développé trois centres entre Sumatra et Bornéo et sauvé plus de 2 000 animaux : des gibbons, bien sûr, mais aussi des siamangs, des ours, macaques, crocodiles, binturongs, reptiles et oiseaux.Kalaweit a relâché également des centaines de gibbons en milieu naturel, une opération bien plus délicate que ce que l’on pourrait penser.

« C’est très compliqué de relâcher un gibbon, car il faut trouver des forêts où il n’y en a pas. C’est un singe extrêmement territorial et un gibbon relâché au milieu d’autres gibbons se ferait tué en quelques jours, explique Chanee. Aussi, parmi les gibbons qui vivent dans nos centres de sauvetage, beaucoup ne sont pas relâchables ;  25 % sont atteints de maladies humaines comme l’hépatite, beaucoup sont handicapés physiquement, mutilés pendant la déforestation ou le braconnage et d’autres sont traumatisés psychologiquement. Ça me deprime tous les jours de voir mes gibbons dans nos volières, même si je sais que je les ai sauvés. Ce que je souhaite, c’est voir des gibbons libres dans leur habitat naturel, et pour ça, c’est la forêt même que je dois protéger. » 

L’acquisition de parcelles de forêt par Kalaweit devient alors la nouvelle stratégie de Chanee, qui ne veut plus se limiter à recevoir des gibbons blessés ou issus de la captivité illégale, une pratique encore très courante chez les familles riches ou les hauts fonctionnaires qui finissent toujours par les abandonner. Chanee sait qu’il faut agir en amont des problèmes. 

Kalaweit commence à Sumatra en 2010. En quinze jours, grâce à une petite vidéo qui va devenir virale, la fondation parvient à lever 100,000 dollars pour acquérir et protéger cent hectares de forêt situés en montagne, et où vivent déjà de nombreux groupes de  gibbons. C’est un succès immédiat aux répercussions les plus extraordinaires. Huit ans plus tard, dans cette même forêt sauvée et protégée, ont réapparu trois tigres, un animal que l’on n’avait pas vu dans la région depuis des décennies. « On sous-estime la résilience de la nature, explique Chanee. Il  suffit de geler toutes les activités humaines, d’arrêter de perturber la nature, et les écosystèmes se rééquilibrent. On peut avoir des surprises énormes. »  

C’est ce genre de résultats qui ont inspiré Age of Union à soutenir Kalaweit. Grâce à un don de 800 000 dollars, ce sont 1 500 hectares de la forêt de Dulan à Bornéo qui sont désormais sous  la protection de Kalaweit, où les gibbons et tous les autres animaux sont protégés pour toujours de la déforestation et du braconnage.  

Chanee prend la forêt de Dulan comme cas d’école dans son dernier livre “Hâte d’être à demain”, publié en 2022. Il y expose, d’un exemple à l’autre, la nécessité d’agir sur place, en collaboration avec les locaux, les autorités, et en impliquant tout le monde dans les actions de conservation.  

« Ce n’est pas un fichier Excel qui va s’imposer face aux tronçonneuses ou empêcher le braconnage. C’est sur place que ça se passe. Grâce à nos patrouilles quotidiennes, terrestres à cheval et aériennes en paramoteur ou hydravion, notre présence  permanente assure la vraie protection et renforce la confiance indispensable à notre collaboration avec les locaux Dayak. D’ailleurs ce sont les principaux guides de nos actions. Après tout, cette forêt, ils la connaissent mieux que personne », explique Chanee.  

Hâte d’être à demain, oui ! Cependant, le plus grand volet du livre pour Chanee, c’est de se poser les questions suivantes : si j’avais 12 ans aujourd’hui, est-ce que j’oserais m’engager ? Dans ce monde où l’on me répète tous les jours que c’est fichu, oserais-je agir si j’étais un jeune ? Où est l’inspiration pour la nouvelle génération ? 

« Pour moi, elle n’est certainement pas dans la déprime de ceux qui philosophent sur l’avenir de la planète et qui ne sont pas sur le terrain, confie Chanee. Parce que je suis sur place depuis 25 ans, je vois tout les jours ce qui est à sauver. C’est ça qui me  motive. Si je peux sauver un singe aujourd’hui, c’est déjà  beaucoup. Si je peux protéger quelques hectares de plus… victoire ! Et c’est ça qui inspire les gens : le positif, les actions, petites ou grandes… les projets concrets. Il n’y jamais de fin à  l’espoir quand tu vois tout ce qui peut être fait encore pour sauver tout ce qu’il reste. »

Alors, 25 ans après sa première cabane construite avec quatre planches au milieu de la forêt et une pancarte Kalaweit, c’est fidèle à ses intuitions et ses valeurs que Chanee continue d’inspirer tous ceux qui croisent son chemin. Il a toujours le même éditeur, les Presses du Midi ; Muriel Robin est toujours comme une deuxième maman pour lui. Suivi par la BBC et des grandes chaines de télévisions françaises, il a des millions de  followers sur YouTube et compte plus de 1 600 donateurs mensuels éparpillés dans le monde.  

« Je suis là où je voulais être quand j’avais 12 ans. Je n’ai jamais arrêté d’agir, d’écrire, de publier, de développer, et tout ça a inspiré beaucoup de monde et permis des changements concrets. C’est comme si je portais beaucoup de casquettes, dont celle d’un père de famille. Et ce sont ces valeurs que je transmets à mes fils de 13 et 20 ans. Tous les jours, je leur dis : mets ta casquette Kalaweit et va faire le super héros dans la forêt à sauver des gibbons. »

En arrivant au zoo de Fréjus ce jour-là, Aurélien Brulé, élève de 5ème passionné par les singes ne sait pas encore qu’il va changer le cours de bien d’histoires : la sienne — il deviendra Chanee (Gibbon) lors de son premier voyage en Thaïlande — mais aussi celle  de milliers de gibbons et autres animaux et celle de la forêt.

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