202 hectares protégés : le Projet Saint-Laurent en expansion, un partenariat en évolution
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Conservation de la nature Canada ajoute 202 hectares à son réseau de terres protégées dans le sud du Québec grâce au soutien financier de nombreux partenaires, dont Age of Union. La protection du riche Boisé Carillon incarne l’évolution d’une collaboration fertile dans laquelle les deux partenaires grandissent ensemble pour s’adapter aux nouvelles réalités.
Auteur
Jean-Philip Rousseau
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Le petit groupe s’engage dans le sentier. Une douzaine de personnes, en tout… menées par Annie Ferland, qui ouvre la marche. De chaque côté, les arbres à moitié dénudés arborent autant qu’ils peuvent les couleurs d’octobre. Un peu d’orange, un peu de rouge. Beaucoup de jaune.
Quelques dizaines de pas, puis Annie Ferland s’arrête et se retourne. Elle tient en main un morceau de l’automne, qu’elle montre au groupe.
« C’est une feuille d’érable noir », explique la chargée de projet chez Conservation de la nature Canada (CNC). Tout le monde avait fort probablement reconnu l’essence, mais la forme de la feuille, quoique courante ici, diffère de celle que les Canadiens connaissent très bien.
« La feuille est plus large, les lobes sont moins profonds, ceux du bas sont moins prononcés », montre Annie Ferland. Elle s’adresse à un public captif, avide d’en savoir plus. Parmi eux, quelques journalistes, la députée provinciale et une petite délégation d’Age of Union.
« Ça, c’est un orme liège », poursuit-elle un peu plus loin. Le groupe l’observe poser la main sur le tronc, puis palper sa texture. « C’est toujours un petit arbre avec un tronc pas très grand. On voit les craques ici, elles sont surélevées et la texture est vraiment liégeuse. C’est vraiment un bois très, très léger. »
L’érable noir et l’orme liège luttent pour leur survie au Québec, province de l’Est canadien, surtout en raison de la perte d’habitat forestier. Ces deux espèces, la première classée « vulnérable » et la seconde « menacée », illustrent donc à merveille toute la valeur écologique du boisé environnant.
« C’est une forêt exceptionnelle, vante Annie Ferland. Des boisés de forêt de feuillus tempérée avec plusieurs espèces qui sont à la limite nord de leur répartition géographique. C’est vraiment un boisé très, très intègre. »
Sonne l’heure de la conservation
L’endroit s’appelle le Boisé Carillon. Son nom fait écho à celui du barrage et de la centrale hydroélectriques situés à quelques centaines de mètres, sur la rivière des Outaouais.
CNC a investi 1,15 million de dollars canadiens pour s’en porter acquéreur auprès d’un promoteur qui ne pouvait rien y construire. C’est en fait le gouvernement provincial qui a aiguillé le promoteur vers CNC. Québec a d’ailleurs épongé 60 % des coûts d’acquisition. D’autres partenaires privés dont Age of Union ont permis de boucler le montage financier.
Au final, la nature du terrain qui était un frein au développement immobilier est devenue un catalyseur pour la conservation, car 55 des 202 hectares du Boisé Carillon sont composés de milieux humides. Une richesse écologique inestimable, surtout aussi près d’une grande rivière, surtout dans une région aussi densément peuplée près à la fois de Montréal, 2e ville canadienne, et d’Ottawa, capitale fédérale.
Pour la députée provinciale locale, Agnès Grondin, qui est aussi adjointe parlementaire du ministre de l’Environnement du Québec, cette collaboration entre le gouvernement, un promoteur immobilier, une ONG et des partenaires privés est signe des mentalités qui évoluent.
« Je le dis souvent aux élus : “On peut faire pousser autre chose que des maisons”, affirme-t-elle. On vit tous les impacts sur la biodiversité, qu’on soit citoyen, municipalité, entreprise privée ou fondation. C’est une responsabilité collective. »
Agnès Grondin croit d’ailleurs que les inondations vécues ici d’abord en 2017 puis encore en 2019 ont accéléré le changement des mentalités dans les Laurentides.
« Donc des partenaires comme CNC deviennent super intéressants pour proposer d’autres scénarios, poursuit-elle. [Ils permettent] de voir les solutions nature en termes d’adaptation au changement climatique. »
Et la députée insiste sur un point : « J’aime entendre Annie dire qu’on va encadrer les choses et assurer la sécurité à la fois de la nature, mais aussi des utilisateurs.” »
Conserver, mais permettre d’en profiter
« La piste de VTT passe à travers le terrain, je crois, demande un journaliste. Est-ce qu’elle sera maintenue pour permettre aux quadistes de pratiquer leurs activités? »
La question est importante pour la communauté, car le véhicule tout-terrain (VTT) est très populaire ici.
« En ce moment, on est en discussions avec le club Les Montagnards du Nord, répond Annie Ferland. L’objectif est de permettre l’accès dans la mesure du possible en évitant les sorties de sentier. »
La collaboration entre CNC et les Montagnards du Nord est déjà fructueuse. Les quadistes ont été d’une aide précieuse dans la grande corvée de nettoyage du Boisé Carillon, l’été dernier et le précédent. Avec leurs VTT, ils ont contribué à débarrasser le terrain de 4000 kg de déchets.
Cette tâche colossale étant terminée, tout est en place pour la prochaine. Plusieurs centaines de milliers de dollars devront être investis pour la restauration de l’habitat et pour l’aménagement des points d’accès, comme les sentiers.
« C’est un fin équilibre à établir, précise Annie Ferland. Assurer une expérience enrichissante pour les randonneurs tout en protégeant l’intégrité des écosystèmes. On pourra permettre des activités à faible impact étant donné le statut de conservation, la vocation prédominante. »
Un leader du fleuve Saint-Laurent
Car la priorité de CNC demeure la protection des écosystèmes fragiles. Les 202 hectares du Boisé Carillon s’ajoutent à 200 autres annoncés récemment à Baie-Saint-Paul, dans Charlevoix. Au total, le Projet Fleuve Saint-Laurent issu du partenariat entre CNC et Age of Union a permis à ce jour l’achat d’un réseau en bordure du fleuve Saint-Laurent. Le Boisé Carillon est le premier terrain de ce projet qui s’éloigne un peu des abords immédiats du fleuve.
« Pour nous, le fait qu’il [le Boisé Carillon] ait quand même 25 % de la superficie en milieu humide, c’est rare », insiste Julien Poisson, directeur, Sud du Québec, chez CNC.
« Ce sont des zones qui sont super importantes écologiquement et qui sont liées au fleuve d’une manière ou d’une autre », ajoute Mariette Raina, gestionnaire des projets de conservation chez Age of Union. « C’est pour cela qu’elles doivent être protégées. C’est pour cela qu’Age of Union est impliquée. »
Cet accord sur l’importance de s’éloigner un peu du Saint-Laurent est l’incarnation d’une collaboration qui évolue lorsque les deux partenaires sont au diapason.
« Qu’un grand donateur veuille travailler sur le fleuve nous a permis de structurer un projet, poursuit Julien Poisson. On a fait un grand projet rassembleur, basé sur le plan d’Age of Union. »
Le grand projet de CNC s’adapte aux enjeux qui varient énormément au gré des centaines de kilomètres du fleuve. Plus à l’ouest, ils concernent l’eau douce et les régions métropolitaines. Plus à l’est, ils baignent dans l’eau salée des régions côtières plus champêtres.
Au milieu de tout cela, Age of Union est fière d’avoir été un rouage dans la transformation de CNC en leader du Saint-Laurent au Québec. D’autant plus que pour l’alliance environnementale, grandir de ce partenariat est aussi essentiel.
« On apprend beaucoup d’eux, reprend Mariette Raina. Ce sont des échanges humains, des échanges d’idées, de valeurs. Des échanges aussi sur la manière de rester agile et d’évoluer parce que les défis climatiques, les défis environnementaux évoluent et changent. »
Crédits
Stéphane Desmeules
Sujets
Article écrit par
Jean-Philip Rousseau
Traduction
Stéphanie Marois
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