Le parcours inspirant de Régine Chassagne, musicienne lauréate d’un Grammy, vers le renouveau des communautés négligées d’Haïti
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After an inspiring trip to Haiti, Grammy-award-winning musician and co-founder of the band Arcade Fire Régine Chassagne started a non-profit to support the country’s most neglected communities.
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Les parents de Régine Chassagne n’ont jamais voulu qu’elle se rende en Haïti. Les parents haïtiens de la musicienne née au Canada avaient échappé de justesse au régime de François Duvalier. Au pouvoir de la fin des années 1950 au début des années 1970, Duvalier est tristement célèbre pour son règne corrompu et brutal, notamment pour avoir emprisonné et torturé des Haïtiens et forcé d’autres à vivre en exil.
« Beaucoup de membres de ma famille élargie ont été massacrés et, enfant, j’ai dû absorber ce poids supplémentaire sur mes épaules, confie Régine Chassagne. Mes parents ont été traumatisés par Haïti. Ils disaient : “N’y va jamais, c’est trop dangereux, n’y va pas”. »
La mère de Régine, en particulier, a fait des cauchemars tout au long de sa vie en raison de son traumatisme. Ce n’est qu’après son décès que Régine a décidé de se rendre en Haïti en 2008.
« Je n’en ai parlé à personne; j’y suis tout simplement allée », raconte-t-elle.
Elle a voyagé avec un bon ami, feu Paul Farmer, médecin de renommée mondiale et cofondateur de l’organisation mondiale de santé Partners in Health.
Au cours d’une journée aussi épuisante qu’enrichissante, passée à sillonner des routes rurales pour rendre visite aux patients de Paul Farmer, la voiture du duo est tombée en panne. Assis par terre, attendant qu’on leur vienne en aide, Paul s’est tourné vers Régine.
« Il m’a dit : “Régine, je ramène ces gens à la vie après des maladies et des affectations terribles et ils se battent et font tout ce qu’ils sont censés faire. Ils retrouvent la santé et ensuite je les renvoie à quoi?”, cite-t-elle en se rappelant les paroles de Paul. Cela m’a tellement touchée… Ce ‘quoi’ m’a profondément interpellée. »
Ce moment n’a jamais quitté sa mémoire alors qu’elle pensait à l’extrême pauvreté, au manque de services sociaux et à une myriade d’autres défis auxquels les Haïtiens étaient confrontés.
Des années plus tard, Régine a collaboré avec une compatriote haïtienne, Dominique Anglade, pour fonder la Fondation KANPE. L’organisation accompagne les membres des communautés haïtiennes rurales les plus vulnérables vers l’indépendance en soutenant les piliers sociaux comme leur santé, leur éducation, leur agriculture et leur leadership.
« Quand on réfléchit aux endroits où il y a beaucoup de pauvreté, le problème ne se résume pas à une seule chose. Il ne s’agit pas seulement de santé, d’éducation ou de faire creuser un puits, affirme-t-elle. Il faut que tous les éléments se conjuguent pour que les gens puissent mettre de l’ordre dans leur vie. »
C’est ce qui a amené Régine Chassagne à s’intéresser à la conservation. Sachant que 98 % des membres des communautés soutenues par KANPE sont des agriculteurs de subsistance, leur capacité à cultiver n’est « pas une question de profit, c’est une question de vie ou de mort », affirme-t-elle, expliquant l’urgence de préserver la végétation dans le contexte du dérèglement climatique.
Comme beaucoup d’autres pays de l’hémisphère sud, Haïti est l’un des pays les plus touchés par les changements climatiques, bien qu’il soit l’un de ceux qui contribuent le moins aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le pays subit une multitude d’effets climatiques, de la hausse des températures à la déforestation, et les experts prévoient que les phénomènes climatiques extrêmes tels que les inondations, les sécheresses et les ouragans gagneront en intensité et en fréquence.
Depuis 2021, KANPE et Age of Union produisent et plantent annuellement plus de 25 000 arbres fruitiers et forestiers à Baille Tourible, l’une des villes les plus négligées et mal desservies du Plateau central, pour lutter contre les effets liés au climat.
Contrairement à son métier de musicienne et de cofondatrice du groupe de rock indépendant Arcade Fire, Régine Chassagne compare le travail de KANPE à un travail « invisible ».
« Au jour le jour, ce n’est pas tape-à-l’œil », dit-elle.
Mais ce travail est essentiel pour reconstruire les communautés haïtiennes et les aider à devenir autonomes, précise-t-elle. Depuis 2005, Arcade Fire a reversé une partie de la vente des billets de chaque concert à Partners In Health et à KANPE, collectant ainsi près de 5 millions de dollars pour Haïti.
Enfant, Régine a noué des liens avec sa culture haïtienne à travers des aspects de la vie quotidienne, depuis les plats servis chez sa tante jusqu’aux tambours dont elle jouait dans le sous-sol de son oncle. Aujourd’hui, elle décrit sa relation avec le pays comme étant intime et spirituelle, et elle tient compte de la réalité douce-amère que représente la poursuite d’un changement durable dans un contexte compliqué.
« Il y a beaucoup d’injustice ici : des injustices sur des injustices — à gauche, à droite, en haut et en bas — mais Haïti est aussi un pays extraordinaire. Il est beau. Il est fort. J’aime Haïti. »
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Photos publiées avec l’autorisation de KANPE
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