Les conséquences des saisons de feux de forêt plus intenses pour les populations et la planète
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Les incendies de forêt causent des pertes forestières record dans le monde entier, ce qui met en danger les écosystèmes, les collectivités et la santé publique. Le dérèglement climatique, les conditions météorologiques extrêmes et l’activité humaine accentuent les risques d’incendie de forêt. Pour réduire les dommages causés par les incendies et renforcer la résilience face aux risques futurs, il faut absolument mettre en œuvre un ensemble de solutions telles que la surveillance en temps réel des incendies, des systèmes d’intervention rapide, la conservation forestière et les brûlages dirigés.
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L’été 2023 a été le théâtre de scènes apocalyptiques dans les villes et les campagnes du sud du Canada et du nord des États-Unis. Ciel orange, horizon noyé dans la brume, odeur persistante de fumée : autant de conséquences des feux de forêt faisant rage à des centaines de kilomètres. La qualité de l’air a atteint des niveaux dangereux sans précédent, poussant les autorités à recommander à la population de ne pas sortir.
Ces bouleversements de la qualité de l’air ont représenté une menace particulièrement grave pour les populations vulnérables, notamment les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées pour qui l’exposition à la fumée peut entraîner respectivement des complications respiratoires, un faible poids à la naissance et un risque accru de démence.
Si l’ampleur des incendies de forêt de 2023, totalisant plus de 29 méga-incendies au Canada, a été alarmante, les incendies qui sévissent actuellement au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta confirment qu’il ne s’agit pas d’un cas particulier… C’est la nouvelle norme.
Les saisons des incendies commencent plus tôt, durent plus longtemps et entraînent des incendies de forêt plus importants et plus intenses avec des conséquences localisées graves, notamment la perte de millions de kilomètres carrés de forêts, de biens et de vies humaines. Les retombées se font sentir dans les communautés voisines ainsi que dans les agglomérations éloignées, car la fumée des incendies se propage sur des centaines de kilomètres, compromettant la qualité de l’air dans des endroits reculés.

Cette tendance ne se limite pas à l’hémisphère nord. Les incendies sont désormais l’un des principaux facteurs de déforestation des forêts tropicales primaires du monde entier. En 2024, le Brésil a perdu 2,82 millions d’hectares, dont 60 % dans la région amazonienne, en raison des incendies. Pour la première fois dans l’histoire récente, les incendies ont dépassé toutes les autres causes de dégradation forestière au Brésil, excédant même les taux maximaux de perte enregistrés pendant l’ère Bolsonaro.
Les changements climatiques et les tendances météorologiques à court terme défavorables créent les conditions propices à une crise des feux de forêt
Les changements climatiques, la dégradation des forêts, l’évolution de l’utilisation des sols et l’activité humaine créent un cercle vicieux dangereux qui se traduit par l’assèchement des forêts, l’augmentation de la charge combustible, la fragmentation des paysages et une plus grande vulnérabilité des écosystèmes à l’allumage et la propagation du feu.
Au Canada et aux États-Unis, de nombreuses forêts tempérées et boréales sont adaptées au feu et tirent profit des brûlages de faible intensité qui réduisent l’accumulation des combustibles disponibles pour le feu. Certaines espèces de pins dépendent même du feu pour libérer leurs graines et se reproduire. Cependant, de nombreux organismes gouvernementaux ont appliqué pendant des années des politiques de suppression des feux de forêt, ce qui a considérablement réduit les incendies dans ces écosystèmes et entraîné une accumulation de végétation sèche. Cet excès de combustibles agit donc comme une poudrière, rendant les feux de forêt plus intenses et plus difficiles à contrôler lorsqu’ils se déclarent. Si la plupart des feux de forêt au Canada sont déclenchés par la foudre (la foudre est responsable d’environ 59 % des feux de forêt au Canada et cause plus de 93 % de la superficie incendiée), les tendances météorologiques actuelles comme la sécheresse, la baisse des précipitations et les systèmes de haute pression créent un contexte idéal pour une augmentation du risque d’incendie.

En revanche, les forêts tropicales humides ne sont pas adaptées au feu et les incendies naturels y sont rares. Dans les forêts tropicales humides, les incendies sont presque exclusivement d’origine humaine. Le feu est utilisé pour défricher des terres à des fins agricoles, d’élevage, de création de pâturages, de spéculation foncière et de développement d’infrastructures, ou pour couvrir les traces d’exploitation forestière ou minière illégale. À mesure que les forêts tropicales s’assèchent en raison des changements climatiques et de la sécheresse prolongée en Amazonie, les incendies dans ces écosystèmes non adaptés deviennent de plus en plus graves.
La prévention et la lutte contre les incendies gagnent en finesse
Bien que certains écosystèmes connaissent naturellement des incendies, la prévention des incendies catastrophiques reste l’objectif principal. Des forêts saines et intactes qui subissent des brûlages ponctuels et dirigés constituent la base de la résilience aux incendies de forêt. Les agences américaines et canadiennes de gestion forestière et de lutte contre les incendies ont de plus en plus recours à des systèmes de surveillance en temps réel sophistiqués pour détecter les départs de feu et déployer des interventions coordonnées. En outre, elles veillent également à intégrer de plus en plus les brûlages dirigés et à s’associer avec les communautés autochtones afin de faire revivre les pratiques culturelles de gestion des incendies et les brûlages prescriptifs.
Une détection précoce et une réponse rapide sont cruciales pour contrôler les incendies dans les forêts tropicales. Age of Union travaille avec Kalaweit à Bornéo, en Indonésie, pour soutenir la surveillance aérienne, les patrouilles communautaires et les tours d’observation afin de repérer les feux et d’y répondre rapidement.

« La détection précoce et la réaction rapide sont absolument essentielles pour la gestion des incendies à Kalimantan et elles sont bien plus efficaces que les efforts de restauration après un incendie, en particulier dans des écosystèmes aussi vulnérables que les tourbières tropicales, précise Chanee, fondateur de Kalaweit. Le coût de l’attente est exponentiel. Plus un incendie brûle longtemps sans être détecté, plus il faut de ressources pour le contrôler. La lutte contre les incendies devient exponentiellement plus difficile et plus dangereuse avec le temps et, dans des régions reculées comme Dulan, il est difficile sur le plan logistique de mobiliser rapidement une équipe importante. »
De plus, la lutte contre la dégradation et la déforestation des forêts tropicales est essentielle pour réduire les risques d’incendie. Des études montrent que les peuples autochtones et les communautés locales protègent ces forêts le plus efficacement. C’est pourquoi Age of Union soutient l’Institut Juma, une initiative autochtone dans le territoire brésilien de Xipaya, en aidant à protéger 179 000 hectares de forêt tout en respectant la culture, les droits, les connaissances autochtones.
Résilience face aux incendies de forêt : une approche stratégique et intégrée
La résilience des espèces sauvages repose sur un équilibre entre technologie, innovation et savoirs traditionnels. Elle exige des investissements dans la communication bidirectionnelle, la sensibilisation des communautés, la lutte contre la criminalité environnementale, ainsi que l’élaboration de politiques publiques efficaces.
Pour assurer un succès à long terme, il est également essentiel de procéder à une surveillance constante, de faire respecter les lois, de promouvoir une gestion durable des terres et de mobiliser le leadership actif des peuples autochtones et des communautés locales.
Les êtres humains coexistent avec le feu depuis des dizaines de milliers d’années, mais la menace qu’il représente continue d’évoluer et précarise des écosystèmes essentiels, les espèces sauvages et les communautés humaines. Pour l’avenir des populations et de la planète, nous devons nous efforcer de limiter et d’atténuer les incendies, et respecter leur rôle dans la nature plutôt que de chercher à les contrôler totalement.
Crédits
Photo de couverture : Matt Howard via Unsplash
Photo 1 : Gowri Varanashi
Photo 2 : Junglekeepers
Photo 3: Fabian Jones
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