L’artiste et commissaire autochtone Adrian Stimson imagine de nouvelles perspectives pour la Terre
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En juin, nous commémorons le Mois national de l’histoire autochtone. Durant ce mois, nous prenons le temps de reconnaître et d’honorer la riche histoire, le patrimoine, la résilience et la diversité des Premières nations, des Inuits et des Métis du Canada.
Nous sommes particulièrement fiers d’accueillir Adrian Stimson en tant que commissaire officiel d’art autochtone de Age of Union. Membre de la nation des Siksika (Pieds-Noirs) de l’Alberta, Adrian est un artiste interdisciplinaire dont les œuvres font l’objet d’expositions internationales.
Sujets
Son exposition qui se déroule actuellement au Centre Terre, intitulée Anthro–Obscene, regroupe des toiles et des sculptures qui nous incitent à contempler la portée de nos actions sur cette Terre et à reconnaître que si nous observons, écoutons et aimons le monde qui nous entoure, nous pourrons peut-être changer notre trajectoire actuelle. L’exposition présente :
– Une série de trois tableaux réalisés toile en bois de bouleau à l’aide de peinture à l’huile, de cendre de bois et de plumes. Le titre Awwasukapi,dans la langue siksika, signifie « beaucoup de choses se produisent, certaines bonnes, d’autres mauvaises ».
– Trois sculptures présentant un mélange de matériaux et incorporant des médias comme des effets sonores et des séquences vidéo. Elles sont intitulées Naamo Ooko’o’wa Omahkokata A’paissapii, Ina’kitapii Sais’skiimoko ooko’o’wa et Regalia Naamoi’stotoohsin dans la langue siksika, ce qui signifie respectivement « tour d’abeille et marmotte aux aguets », « serre du petit peuple » et « regalia du bourdon ».
Réflexion d’Adrian Stimson sur l’installation Anthro-Obscene
L’ensemble de cette installation est ma contribution au projet Gardenship and State de l’Université Western et Museum London en 2021. J’ai voulu créer des moments propices à la contemplation de la portée de nos actions sur cette terre. Et que si nous observons, écoutons et aimons le monde qui nous entoure, nous pourrons peut-être changer la direction dans laquelle nous nous dirigeons à l’heure actuelle.
J’appelle cette série de trois tableaux Awwasukapi dans ma langue, le siksika. En français, ce titre signifie « beaucoup de choses se produisent, certaines bonnes, d’autres mauvaises ». On utilise souvent cette expression pour décrire quelque chose de mauvais, mais elle peut être subjective; de bonnes choses peuvent découler de mauvaises choses.
Awwasukapi 1,2,3, 2021, peinture à l’huile, cendre de bois, plumes sur toile en bois de bouleau, 4 x 5 pi.
L’Ouest canadien connaît de plus en plus d’incendies de forêt qui non seulement détruisent des forêts et des communautés, mais qui remplissent également l’air de particules de cendres — des particules que respirent les humains et les animaux et dont les effets sur la santé sont immédiats pour ceux qui ont des problèmes de santé et restent encore inconnus pour le reste d’entre nous. Là encore, il est difficile d’être optimiste lorsque, jour après jour, le ciel est obscurci par une épaisse fumée. Ces peintures sont une réponse émotive à la peur et à la tristesse que je ressens, à la façon dont nous sommes pris dans ces funestes vents de changement. La nuée de plumes dans les cendres de bois évoque la présence et la disparition, le fait que nous redevenons tous cendres, et que notre époque est marquée par une extinction massive des oiseaux. Au cours du dernier demi-siècle, l’Amérique du Nord a perdu 3 milliards d’oiseaux!
J’appelle cette sculpture Naamo Ooko’o’wa Omahkokata A’paissapii dans ma langue, le siksika. En français, cette phrase signifie « tour d’abeilles et marmotte aux aguets ». Naamo Ooko’o’wa Omahkokata A’paissapii, 2021, base en bois de bouleau teinté avec une marmotte en bronze regardant vers une tour d’abeilles de 20 pieds de haut, en bois de pin teinté orné d’abeilles en feuilles d’or, avec un hibou (teint et recouvert de feuilles d’or) perché au sommet. Sons et lumières : la lumière émane de l’entrée située à la base de la tour et les sons enregistrés dans nos ruches sont diffusés depuis l’intérieur de la tour.
Je pratique l’apiculture depuis 10 ans; j’ai entrepris cette démarche en réponse à l’effarant effondrement des colonies et au danger réel que représente la perte de nos pollinisateurs; s’ils disparaissent, nous en ferons rapidement autant. La Tour d’abeilles, peinte au graphite noir sur gesso transparent avec abeilles en feuille d’or 24 carats et silhouettes d’abeilles fantômes, surmontée d’un toit en cuivre et d’un hibou grand-duc. Dans la tradition des Siksika, le hibou est très respecté et possède de puissants remèdes. Nous craignons de voir un hibou se poser sur nos toits, c’est le signe d’une mort imminente. En plaçant un hibou sur le toit de la tour d’abeilles, je sollicite le pouvoir du hibou tout en sachant que les abeilles sont en difficulté et que nous devons respecter et répondre aux messages que nous envoie le monde animal.
La tour intègre également des éléments lumineux et sonores. La lumière imite la couleur du miel ou de l’or se trouvant à l’intérieur et la bande sonore d’une durée de 56 minutes et 56 secondes, captée à l’intérieur de l’une de mes ruches, puis amplifiée, mixée et agrémentée, d’une bande sonore disco de 5 minutes, vise à ajouter une touche d’humour ainsi que l’idée que « quelque chose » se passe à l’intérieur de la tour. La marmotte affublée d’un masque à gaz se tient devant la ruche, un autre élément d’humour. Pourtant, en anthropomorphisant ainsi la marmotte, je cherche à donner une voix aux animaux, à honorer le fait que nous partageons ce monde avec eux.
J’appelle cette sculpture Ina’kitapii Sais’skiimoko ooko’o’wa dans ma langue, le siksika. En français, cette phrase signifie « la serre du petit peuple ». Ina’kitapii Sais’skiimoko ooko’o’wa 2021, bois de bouleau et pin teinté, écran de télévision, vidéo avec son.
La serre du petit peuple est une installation qui imite ma serre actuelle. Elle est peinte avec un mélange de gesso noir et de graphite et un écran de télévision est encastré dans le sol. La vidéo de 8 minutes est un montage de drone et de photos de mon jardin et de mon vécu face à la pandémie en 2020 et 2021. Je l’ai nommée ainsi pour rendre hommage au « petit peuple » des Siksika. Ces petits êtres sont réels et vivent parmi nous, ils prennent soin de nous et nous jouent parfois des tours. Les Siksika leur font souvent des offrandes sous forme de nourriture, de petits vêtements et de tabac. Lors de la plantation du tabac, des offrandes sont faites au petit peuple pour que ses membres veillent sur la récolte. Nous devons leur faire des offrandes pour qu’ils prennent soin de nos jardins, de notre monde.
J’appelle cet apparat Naamoi’stotoohsin dans ma langue, le siksika. En français, cela signifie « Regalia du bourdon ». Naamoi’stotoohsin, 2021, en collaboration avec Lucille Wright Payotapaihpiyakii (Femme dansant dans la direction opposée).Mannequin, l’apparat du bourdon comprend une combinaison, des jambières en fourrure, un couvre-chef, des gants perlés, des mocassins perlés, un bâton de danse orné de coquillages, de cuir, d’une griffe d’oiseau, de rubans, de crin de cheval et de plumes, un bouclier en cuir brut de bison peint et orné de plumes, de rubans et de perles. Bande sonore incluse.
La regalia du bourdon se veut une réponse à la fois à ma pratique de l’apiculture et à une société des Siksika. La société des bourdons est une société d’enfants, l’une des premières sociétés dans lesquelles nous entrons. Son but est de préparer les enfants aux sociétés futures en leur enseignant les protocoles du tipi, où s’asseoir, où se trouve l’autel, et tous les aspects de la cérémonie. La société a son propre chef, son propre modèle de tipi, ses propres tenues, ses propres chants et ses propres danses. Les enfants dansent comme des abeilles et créent des essaims, ils portent au poignet des bracelets pointus avec lesquels ils « piquent » les gens, un signe de grand respect auquel il faut réagir comme à une véritable piqûre. En fait, on doit même exagérer le fait de se faire piquer. La société des bourdons n’est pas actuellement active. J’espère pouvoir participer à sa réactivation. La regalia du bourdon entend inspirer et jouer avec les principes de la culture matérielle de cette société. L’évolution est une partie importante du savoir autochtone et je cherche à faire évoluer les insignes de cette société. J’ai collaboré avec une amie très chère, Lucille Wright, une fantastique perleuse et gardienne du savoir culturel. Lucy a perlé 300 abeilles pour la tenue d’apparat et Myrna Youngman les a attachées. Lucy a ensuite perlé les gants et les mocassins pour compléter la regalia. J’ai créé le bouclier du bourdon pour protéger les abeilles. Il est orné de cuir brut de bison et de plumes de hibou. Le bâton de danse du bourdon est destiné à imiter les bracelets que les enfants portaient au poignet. Il est garni d’une griffe d’aigle en forme de dard, de coquillages, d’un ruban et d’une queue en crin de cheval. La regalia peut être activée par une performance et dispose d’une bande sonore de 7,5 minutes à cet effet.
Crédits
Photos by Clara Lacasse
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